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  • Guillaume Hermann
    Guillaume Hermann

    Les monnaies d’Auguste Comte

    Le dernier appartement d’Auguste Comte présente l’exceptionnelle particularité d’avoir été conservé à peu près inchangé, contenu inclus, depuis le décès du philosophe en 1857.

     

    D’autres logements parisiens de la même époque devenus, eux aussi, des musées ne présentent pas cette qualité. L’appartement de Victor Hugo place des Vosges, quitté en 1848, a été totalement modifié au plan immobilier, repensé vers 1900 comme pur lieu d’exposition, donc sans cuisine ni lieu d’hygiène, et son mobilier vient de différents logements de Hugo, voire de sa maîtresse : le salon chinois et la salle à manger de Juliette Drouet sont postérieurs et viennent des îles anglo-normandes, la chambre de Hugo a été récupérée avenue d’Eylau et date de la IIIème République… Dans la maison de Balzac rue Raynouard, le peu qui ait connu Balzac a été rapporté là aussi d’autres lieux.

     

    Si préservé qu’il soit, l’appartement d’Auguste Comte n’a pas connu une destinée totalement paisible : la fille adoptive de Comte a continué à y vivre, des réunions, fêtes et commémorations diverses s’y sont déroulées, certains disciples ont probablement prélevé des reliques, l’entretien a longtemps été défaillant, en même temps que s’y entassaient des dépôts successifs. L’appartement a nécessité une restauration dans la seconde moitié du XXème siècle.

    Cet intéressant musée est en train de se développer et se rationaliser. L’inventaire des collections n’a pas encore été mené à son terme et réserve des surprises. C’est ainsi que récemment, Monsieur David LABREURE, conservateur du musée depuis 2011, a découvert dans les réserves un lot de monnaies jusqu’alors ignoré. Ce petit ensemble est aujourd’hui exposé en vitrine. Aucune des monnaies n’avait été identifiée. Il a bien voulu me permettre de les examiner.

     

    Le lot se compose de 14 pièces de monnaie :

    France, 1791, monneron de 2 sols


    France, date illisible an 5 à an 9 soit 1796 à 1801, atelier illisible, 5 centimes / avers incus, revers double frappe incuse


    France, 1827 A, 5 francs / fausse d’époque


    France, 1848 A, 1 centime (2 exemplaires)


    France, 1849 A, 1 centime.


    Monaco, 1837, 5 centimes (2 exemplaires)


    Monaco, date illisible 1837 ou 1838, 5 centimes


    Monaco, 1838, un décime (4 exemplaires)

     

    Royaume-Uni, date illisible 1806 ou 1807, ½ penny

     

     

     

    Plusieurs constatations s’imposent.

     

    D’abord, on remarque que 8 de ces 14 monnaies sont étrangères.

     

    Ensuite, seules les trois pièces d’un centime et celle française de 5 centimes (démonétisée le 1er octobre 1856) avaient cours légal lors des dernières années de vie d’Auguste Comte. Leur pouvoir d’achat était extrêmement faible : en 1848, un kilo de pain coûtait plusieurs dizaines de centimes.

    Le monneron, bien que démonétisé depuis la fin du XVIIIème siècle, et malgré son diamètre et son poids supérieurs, pouvait peut-être être reçu pour un décime dans le commerce par tolérance ou inattention.

    Les monnaies monégasques de 5 centimes et un décime ne devaient pas circuler légalement, mais leurs modules étant les mêmes que ceux des monnaies du Directoire et du Consulat pour les mêmes valeurs faciales, elles pouvaient bénéficier aussi d’une tolérance ou d’une inattention en France jusqu’en 1856, date de la démonétisation de leurs modèles.

    En additionnant toutes ces monnaies dont l’acceptation en paiement reste douteuse pour la large majorité d’entre elles, nous arrivons à un total de 73 centimes. C’est une somme largement insuffisante pour le quotidien d’un foyer.

     

    Enfin, plusieurs de ces monnaies présentent des particularités qui les rendent intéressantes à titre de curiosités : la 5 centimes du Directoire présente un avers incus et un revers deux fois incus*; le monneron est une monnaie émise par une banque privée et acceptée par les autorités publiques, de plus, témoignage de la révolution industrielle, elle était frappée en Angleterre grâce à l’énergie fournie par la machine à vapeur de Watt, ce qui lui donnait une frappe beaucoup plus régulière, fine et profonde que celle des monnaies françaises d’Etat à la même époque ; la 5 francs de 1827 est une fausse et a été identifiée comme telle dès l’époque de Comte, puisqu’elle présente deux trous destinés à la mettre hors d’usage et a été pliée, probablement volontairement au vu de la force que cela a dû nécessiter.

     

    De tous ces éléments, nous pouvons déduire que le lot de monnaies retrouvé récemment dans les affaires d’Auguste Comte ne constitue pas l’argent liquide conservé à l’appartement pour la vie quotidienne, mais probablement une petite collection constituée par intérêt intellectuel, à l’exception des trois monnaies récentes d’un centime.
    Leur état de conservation généralement très mauvais fait penser qu’elles ne sont pas issues du marché numismatique, mais ont été prélevées dans la circulation. A l’exception relative des monégasques, elles sont très communes et leur usure rend, même aujourd’hui, quasiment nulle leur valeur sur le marché de la collection.

     

    En l’état actuel des connaissances, l’appartement et les réserves n’abritent pas d’autre monnaie. Alors, que sont devenues après le décès du maître des lieux celles que, comme tout logement habité, il devait contenir ? Sophie Bliaux ayant continué à vivre dans l’appartement, on peut supposer qu’elles ont tout simplement servi…

     

     


    * C’est-à-dire que le flan destiné à devenir la monnaie précédente a été placé entre deux coins que nous appellerons a et b, et frappé. Mais au lieu d’être ensuite dégagé, il est resté collé à un des deux coins, par exemple le b. Un second flan a été présenté entre les coins et frappé: une face, celle qui est au contact direct du coin, dans notre exemple le coin a, sera donc frappée normalement, mais l’autre, au lieu d’être frappée directement par le coin b, sera frappée par la monnaie restée collée au coin b ; et la face de cette monnaie collée qui frappera le deuxième flan sera la face initialement frappée par le coin a. La deuxième monnaie présentera donc une face a normale, et une face a inversée, en creux, au lieu de la face b. Elle aura les deux mêmes faces, une fois en relief, une fois en creux et inversée comme dans un miroir. Ce problème s’est produit ici trois fois sur la même monnaie, ce qui est extrêmement rare. Il n’est pas aisé de comprendre les différentes erreurs et leur enchaînement ayant produit cette monnaie que possédait Auguste Comte. Il existe un fort soupçon qu’elle soit en réalité une monnaie normale qui a été modifiée par un plaisantin bien après la frappe. Pour plus d’explications, voir


    Merci à Monsieur David LABREURE pour sa disponibilité et son amabilité.

     

    Maison d’Auguste Comte

    10, rue Monsieur Le Prince

    75006 PARIS

    Téléphone : 01.43.26.08.56

    Email : [email protected]

    Le musée est ouvert tous les MERCREDIS de 14h à 17h sans rendez-vous.

    Entrée 4 euros (adultes), 2 euros (étudiants).

    http://www.augustecomte.org/spip.php?rubrique1
     

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