Unités de compte de la Kharouba et du Ryal en passant par la Piastre espagnole et le Nasri Hafside (Aspre)
(Grandeur réelle: diamètre de 14mm)
Figure 01 - Kharouba en argent (1/16 Ryal) frappée à Tunis en 1163 de l’Hégire (1749 JC) sous Ali 1 Bey (1735-1756) et le sultan Mahmoud 1 (1730-1754) – Poids de 1.3 g et diamètre de 14 mm - Réf. Anonyme.
Face = Indications en arabe en deux lignes: «Sultan, Fleur tulipe / Mahmoud, Fleur tulipe»; globule au centre, grènetis à points, cercle.
Revers = Indications en arabe en 3 lignes: «Dhuriba (frappé), 1163 de l’Hégire correspondant à 1749 JC / Fi (à) / Tunis», tulipe, globule au centre, grènetis à points, cercle.
Observation: Il existe une autre variété de la Kharouba dont la date est en bas sur le revers.
En créant la Kharouba en argent de valeur 1/16 Ryal (1/16 Piastre) et son demi, de valeur 1/32 Ryal (1/32 Piastre), ainsi que la monnaie de 1/8 Ryal (1/8 Piastre), Ali 1 Bey (1735-1756) a continué le processus d’élaboration du système monétaire en argent du Ryal (encore à l’état virtuel), entamé par son prédécesseur Hussein 1er Bey (1705-1735), le fondateur de la dynastie Husseinite. Auparavant, et depuis la conquête ottomane de Tunis en 1574, ce sont les Pachas, les Deys et les Beys Mouradites qui ont gouverné jusqu’à 1705.
Le poids moyen de la Kharouba à sa création était d’environ 1.4 g et son diamètre avoisinant 14 mm. Quant au titre en argent, il était aux alentours de 440 g pour mille (Billon), en baisse par rapport à la période d’Hussein 1er Bey (1705-1735) dont les monnaies en argent, le ¼ Ryal (1/4 Piastre) et le Nasri (Aspre) (1/52 Piastre), titraient aux environs de 650 g pour mille (1).
L’alignement de la régence de Tunis, province ottomane, ne l’oublions pas, sur le système monétaire ottoman du Kurus élaboré plutôt sous le sultan ottoman Soliman 2 (1687-1691), a été initié à Tunis en 1716 JC, non pas par l’émission du Ryal, conçu équivalent au Kurus ottoman et à la Piastre espagnole de poids moyen de 24 à 28 g, mais par l’émission du ¼ Ryal (Rubû Ryal) de poids moyen de 6 à 7g.
L’iconographie adoptée pour le ¼ Ryal est celle du ¼ Kurus reproduisant sur sa face la fameuse citation ottomane « Sultan Al Barrayne Wa Khagane Al Bahrayne » traduite en « Sultan des deux terres et Khagane des deux mers ».
(Grandeur réelle: diamètre = 24 mm)
Figure 02 – Rubù Ryal (1/4 Ryal) en argent, frappée à Tunis en 1142 de l’Hégire (1728 JC) sous le sultan Ahmed 3 Ibn Mohamed (1703- 1730 JC) et Hussein 1er Bey (1705-1735 JC) – Poids de 6.1 g et diamètre de 24 mm – Anonyme.
Face = Indications en arabe en 4 lignes: « /Sultan / Al Barayne Wa Khagane / Al Bahrayne Al Sultan / Ahmed [le reste du nom du sultan est indiqué sur le revers: Ibn Mohamed] ; 1142 de l’Hégire /» [Traduction = « /Sultan / des deux terres et Khagan / des deux mers, le Sultan / Ahmed; (1728 JC) /»]; globule au centre, cercle grènetis sous forme d’un petit trait répétitif (et non d’un globule).
Revers = Indications en arabe en 4 lignes: « /Ibn Mohamed / Khan Izza Nasrou / Dhuriba Fi / Tounes / » [Traduction = « / Fils de Mohamed / Khan, honneur à sa victoire / Frappé à / Tunis»/»]; globule au centre, cercle grènetis sous forme d’un petit trait répétitif.
La date est indiquée en bas de la face de la monnaie en chiffres arabes correspondant à 1142 de l’Hégire, équivalente à 1728 JC. Il est à noter que le chiffre 4 en arabe est souvent frappé sur les monnaies avec sa ligne du bas prolongée vers la gauche et parfois en continuant vers le haut
Le Ryal tunisien, conçu équivalent à la Piastre et au Kurus, a été émis longtemps après ses subdivisions (1/32, 1/16 :Kharouba, 1/8, ¼, 1/2).
Il ne sera émis que sous Ali 2 Bey (1759-1782) et demeurera à l’état virtuel durant une cinquantaine d’années depuis la création du système monétaire du Ryal en 1716 par Hussein 1er Bey (1705-1735).
En plus, le terme Kurus (Kirch) adopté par la réforme ottomane en Turquie, n’a pas été adopté par la régence de Tunis comme c’est le cas pour la plupart des provinces ottomanes. Le terme Ryal lui a été préféré. L’ambiguïté qui en est résulté est la confusion du Ryal tunisien, équivalent à la Piastre de 8 Reaux, avec le Real espagnol, de valeur égale à 1/8 Piastre (1/8 Ryal). C’est pour cette raison que pour le distinguer, on lui a aussi attribué également la dénomination de Ryal Sebili.
En interdisant la Piastre espagnole en 1714 avant d’entamer sa réforme monétaire du Ryal par l’émission en 1716 du Rubû Ryal (1/4 Ryal), le malin Hussein 1er Ben Ali (1705-1735) s’est servi de la matière en argent de la Piastre pour en fabriquer des Nasris (Aspre) en argent, sa principale monnaie marchande d’un poids d’environ 1g et de titre moindre de 650 pour mille.
La belle affaire monétaire d’Hussein 1er Bey (1705-1735) est que la fusion d’une Piastre espagnole de 28 g en argent titrée 900 g d’argent pour mille, permettait d’émettre une quarantaine de monnaies de Nasris (Aspre) de poids moyen de 1g ou 5 monnaies de ¼ Ryal de poids moyen de 7g titrant 650 pour mille.
Pour rappel, les monnaies composant le système monétaire espagnol basé sur la Piastre et ses subdivisions sont les suivantes:
Piastre dénommée Real de Occo ou Peso en Amérique (8 Reaux*), 1/2 Piastre (4 Reaux), 1/4 Piastre (2 Reaux), 1/8 Piastre (Real: unité de compte espagnole), 1/16 Piastre (½ Real) et 1/32 Piastre (¼ Real).
*Reaux : pluriel de Real.
Après la défaite des espagnols et leur départ de Tunis en 1574, la Piastre espagnole et ses subdivisions sont demeurés en circulation légale jusqu’à leur mise à l’écart en 1714 JC.
Durant cette période, la Piastre était admise comme l’unité de compte principale du système monétaire beylical malgré qu’elle porte sur son revers la croix chrétienne.
(Grandeur réelle: aux environs de 4X3 cm)
Figure 03 – Piastre espagnole en argent de 8 Réaux de forme particulière d’environ 4X3 cm, caractéristique des frappes en Amérique espagnole du 16ème siècle, poids de 26.6 g -– Réf. ARTmedina-tounes.
(Grandeur réelle: aux environs de 2X2 cm)
Figure 04 - Real en argent (1/8 Piastre espagnole) de forme particulière d’environ 2X2 cm, caractéristique des frappes en Amérique espagnole du 16ème siècle, poids de 4g – Réf. ARTmedina-tounes.
Ce sont les divergences fratricides entre princes Hafsides qui ont permis à Charles Quint d’envahir Tunis la Hafside en 1535 et à l’Espagne d’y rester plus d’une trentaine d’années, avant de s’incliner en 1574 devant les troupes ottomanes conduites par Sinan Pacha.
Cela correspondait à l’époque où les minerais argentifères gigantesques découverts en Amérique allaient permettre à la Piastre espagnole d’envahir le monde. La reine des monnaies, plus connue par la dénomination de Peso sur le nouveau continent découvert en 1492 par Christophe Colomb, avait un poids consistant d’environ 30 grammes d’argent et était simplement fabriquée par découpage de plaques d’argent, ce qui explique sa forme irrégulière.
Ce processus de fabrication, qui a perduré jusqu’à la moitié du 17ème siècle avant l’apparition des machines de frappe, a engendré des formes particulières de la Piastre et ses subdivisions qui ont circulé partout dans les provinces espagnoles et ses territoires de conquête.
Tunis la Hafside sous le « protectorat » espagnole de 1535 à 1574 a ainsi « bénéficié » de cette devise universelle qui a continué à circuler légalement à Tunis sous les ottomans jusqu’à sa mise à l’écart en 1714 au profit du Ryal beylical Husseinite.
Durant le 17ème siècle synonyme de la période des Pachas, Deys et Beys Mouradites et à côté de la Piastre espagnole admise comme l’unité de compte principale de la régence de Tunis, c’est le Nasri (Aspre) en argent équivalent à 1/52 Piastre, d’origine Hafside et de forme carrée (parfois rectangulaire) qui s’est imposé comme unité de compte secondaire en argent et ce, jusqu’à la création de la Kharouba (1/16 Ryal équivalent 1/16 Piastre) par Ali 1er Bey (1735-1756) comme ci-dessus mentionné.
(Grandeur réelle: cotes de 14 X 14 mm)
Figure 05 - Nasri en argent (billon) sans indication de la date, du lieu et du gouvernant ce qui rend son attribution assez difficile, voire impossible. - Attribué à la période Hafside du 16ème siècle sur la base de ses cotes de 14X14 mm et ce, selon la méthode formelle d’attribution des Nasris par Monhel* - Les Nasris Hafsides ont été créés depuis le 13ème siècle et n’ont été écartés à Tunis qu’au début du 19ème siècle - Réf. ARTmedina-tounes ; monnaie transformée en pendeloque pour bijoux ethniques de Tunisie.
*Méthode formelle développée en annexe 05 du cahier artistique ARTmedina-tounes n°03 « Système monétaire de la régence de Tunis 1574-1891 », Moncef Helioui, 2020, Amazon.
Sans aucun doute, la Piastre espagnole, le Nasri (Aspre) Hafside, la Kharouba et le Ryal beylicaux sont des monnaies emblématiques du système monétaire de la Régence de Tunis sous la période ottomane de 1574 à 1891.
Ils ont fait partie de la vie quotidienne des tunisiens durant plus de 3 siècles. Elles font partie intégrante du patrimoine culturel numismatique et archéologique de Tunisie.
Un patrimoine numismatique riche, malheureusement délaissé sur le plan de la communication. Que dire alors de la promotion de la numismatique en Tunisie ? Un aspect de la réponse a été développé par l’auteur dans l’annexe 15 de son cahier artistique n°03 (2).
Le dit cahier artistique n°03 s’est investi par ailleurs sur la clarification des dénominations et des valeurs des monnaies beylicales posant des problèmes de confusion. On confond encore le Nasri Hafside en argent, dénommé Aspre par les commerçants européens de l’époque, avec le Nasry d’Ahmed 1er Bey (1737-1755) que d’autres nomment Nasiri.
Par ailleurs, on remarque souvent sur les catalogues de numismatique que l’attribution de la valeur monétaire se fait par rapport à la Kharouba, l’unité de compte secondaire. Même le Ryal, l’unité de compte principale, est mentionné par sa valeur de 8 Kharoubas.
Malgré l’émission effective par Ali 2 Bey (1759-1782) du Ryal (équivalant à la Piastre), l’unité de compte principale du système monétaire beylical en argent depuis le début du 18ème siècle, la plupart des catalogues continuent à attribuer la valeur des monnaies beylicales non pas par rapport au Ryal, mais par rapport à la Piastre espagnole, l’unité de compte principale admise au 17ème siècle et écartée en 1714 JC.
Ceci dénote certainement une preuve d’attachement et d’admiration à cette emblématique monnaie espagnole universelle qui a fait partie légale du système monétaire beylical de Tunis et qui a été tant partagée par les deux mondes de l’époque depuis la découverte espagnole de l’Amérique et ses gigantesques minerais argentifères.
Monhel
Références :
1 Abdelhamid Fenina, 2003, « Les monnaies de la régence de Tunis sous les Hussaynides, études de numismatique et d’histoire monétaire (1705-1891) », Tunis, 456 pages, 12 planches.
2 Moncef Helioui, 2020, Cahier artistique ARTmedina-tounes n°03 : « Système monétaire de la régence de Tunis (1574-1891) », Amazon, 344 pages, 182 figures.
Prochains suivants :
II : Système monétaire beylical de Tunis (1574-1891) – Unités de compte en cuivre
III : Système monétaire beylical de Tunis (1574-1891) – Unités de compte en or
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